Un hiver à poil(s) ?

2 déc. 2015

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Vous l'avez peut-être lu sur Facebook : en ce moment, je me pose plein de questions sur le cheval, les soins à lui apporter, la façon de travailler avec lui... Au fil de mes lectures sur différents blogs, magazines ou réseaux sociaux, d'autres questions s'ajoutent à celles que je me pose déjà. Je suis donc dans une période où je fouille un peu de partout pour y trouver des réponses, des explications... J'ai décidé de vous partager celles-ci car je me dis que si je m'interroge sur ces sujets, peut-être que d'autres le font aussi et qu'un article pourrait éventuellement les éclairer.

Premier sujet que j'aborde aujourd'hui : la tonte du cheval. En effet, avec l'arrivée du froid, je lis pas
mal de débats sur le fait de tondre ou non son compagnon de reprise. Mais ne connaissant pas l'intérêt de ce "soin", j'ai décidé de me renseigner.

1/ Poils d'hiver et thermorégulation.

A l'approche de l'hiver, nos compagnons à sabots se transforment progressivement en nounours pour se protéger du froid. En effet, des capteurs présents sur la peau du cheval détectent que les jours raccourcissent et que les températures diminuent, ce qui provoque la pousse d'un poil plus dense (qu'il perdra lorsque les jours commenceront à s'allonger au début du printemps). Ce poil intervient dans le processus de thermorégulation du cheval, c'est à dire qu'avec d'autres mécanismes, il aide l'animal à maintenir une température interne suffisante à sa survie en limitant les pertes de chaleur.

Comment agit-il ?

Tout d'abord, la quantité de poils fabriquée permet d'isoler le corps du cheval. Mais celui-ci peut en plus faire varier cette isolation par un système de piloérection : sous l'effet du froid, des muscles situés à la base du poil permettent de redresser celui-ci (c'est ce qu'on appelle la chair de poule chez l'Homme). Ainsi, l'épaisseur de la couche de poils protectrice augmente et la couche d'air emprisonnée par les poils s'épaissit. Or, c'est cet air qui, en se réchauffant au contact du corps de l'animal, devient un bon isolant.
thermorégulation cheval - poils d'hiver
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Enfin, les poils du cheval sont recouverts d'une substance graisseuse qui entraînent le glissement des gouttes d'eau en cas de pluie et de neige, ce qui maintient la peau du cheval sèche.

2/ La tonte du cheval


a) Pourquoi choisir de tondre ?

Puisque le poil d'hiver semble si utile pour permettre au cheval de lutter contre le froid, on peut se demander pourquoi certains propriétaires décident de tondre leur animal à l'approche de l'hiver ?

cheval transpiration
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Pendant un effort, l'organisme produit de la chaleur et, par conséquent, la température corporelle de l'animal augmente. Ce phénomène est amplifié par la présence d'une certaine épaisseur de poils qui joue le rôle d'un manteau (imaginez vous en train de courir avec une doudoune sur le dos...). Le cheval cherche donc à évacuer cette chaleur par différents moyens, dont la transpiration (à noter que chez le cheval d'endurance, environ 65% de la chaleur est dissipée sous cette forme) : les glandes sudoripares sécrètent un fluide qui est chargé de refroidir la surface de la peau et le sang des artères qui s'y trouvent. Ce sang plus frais, en circulant dans l'organisme, permet d'abaisser la température interne du cheval jusqu'à ce qu'elle atteigne une valeur normale. Ainsi, plus l'animal a de poils, plus il a chaud rapidement, et plus il est amené à transpirer pour évacuer cette chaleur.

Mais une transpiration excessive peut engendrer quelques problèmes pour le cheval :
- En suant, l'animal élimine de l'eau, ce qui peut amener une déshydratation (sur une épreuve d'endurance, un cheval peut perdre 10 à 15L d'eau par heure, soit 2 à 3.5% de son poids vif), pouvant conduire à une perte d'efficacité du travail, voire une baisse fréquente de la force musculaire lorsque cette déshydratation est importante (supérieure à une perte de 5%)
- Mais il perd également des sels minéraux qu'on compense généralement par l'alimentation, l'apport d'une pierre de sel... Cependant, plus la transpiration est intense, plus le cheval perd d'électrolytes (1L de sueur contient par exemple 500mg de sodium) et plus il est difficile de compenser ces pertes. Les réserves de l'animal en sels minéraux sont ainsi affectées ce qui peut générer un certain affaiblissement du cheval ou des difficultés de récupération (voire diverses atteintes métaboliques si la transpiration est trop importante).
- Conséquence opposée si on place un cheval transpirant dans un espace clos : la circulation de l'air y est insuffisante et l'air environnant se gorge d'humidité, il se retrouve ainsi saturé en eau. L'évaporation de la transpiration ne peut plus se faire correctement et l'animal ne peut se refroidir suffisamment, ce qui peut entraîner un effet de chaleur pouvant conduire à des désordres internes plus importants.- S'il ne sèche pas assez rapidement, le refroidissement de l'organisme se poursuit jusqu'à atteindre une température interne inférieure à la normale et donc provoquer un coup de froid.

Or, un cheval met d'autant plus de temps à sécher que son poil est dense. Ainsi, pour éviter une transpiration excessive et permettre à l'animal de sécher plus rapidement (et parfois, avouons-le, pour l'esthétique et pour faciliter le pansage...), certains propriétaires font le choix de tondre leur monture afin de réduire le risque de problèmes cités précédemment.

b) Comment tondre ?

Pour tondre un cheval, quelques précautions sont à prendre.
Il faut, dans un premier temps, veiller à désensibiliser le cheval à la tondeuse (la brosse à dents électrique peut s'avérer très utile pour cette étape).
Ensuite, la tondeuse que vous utilisez peut chauffer. Pour éviter de brûler la peau du cheval, il est donc recommandé de faire des pauses régulières, mais également d'huiler les peignes pour en assurer un bon fonctionnement.
Enfin, il faut manier la tondeuse en la gardant parallèle à la peau pour ne pas pincer ou couper le cheval. En cas de plis (comme au niveau du poitrail), il vous faut tendre la peau de votre animal afin de ne pas la coincer.

Une fois que vous connaissez ces précautions, vous pouvez déterminer la "coupe" que vous voulez offrir à votre cheval, en fonction de sa fréquence de travail et de ses besoins.
Il ne vous reste plus qu'à délimiter les limites de cette coupe à l'aide d'une craie et à lancer votre machine.
Si vous choisissez une tonte totale, vous pouvez même vous faire plaisir en laissant un petit dessin sur la croupe de votre cheval : cœur, étoile, éclair... laissez parler votre imagination !


c) Les conséquences pour le cheval et son cavalier ?

Une telle action n'est pas sans conséquence pour le cheval, et donc indirectement pour son cavalier. En effet, en retirant les poils du cheval, on réduit sa capacité à lutter contre le froid. Le cavalier doit donc combler ce manque en couvrant son animal. Au travail, si on lui a fait une tonte de chasse ou une tonte totale, il faut lui mettre un couvre-rein pendant la détente. Au repos, une couverture est nécessaire, et ce dès les premiers instants où il est tondu.

3/ Pourquoi refuser de tondre son cheval ?

Si certains propriétaires ont choisi l'option "sans poils" ou "avec moins de poils" pour leur cheval, d'autres préfèrent ne pas avoir recours à la tondeuse et garder leur nounours poney poilu.

a) Pour quelles raisons ?

Tout d'abord, les chevaux sont, à l'état sauvage, capables de s'adapter et de résister à la plupart des conditions climatiques, notamment grâce à leurs poils, comme nous l'avons vu plus haut. Or les chevaux domestiques ont les mêmes capacités que leurs "cousins" sauvages du moment qu'on leur en apporte les conditions nécessaires (nourriture adaptée, liberté de mouvement, vie en troupeau...). Les tondre, c'est donc leur retirer une partie de cette capacité à lutter contre le froid.

De plus, le poil aide à sécher la peau du cheval lorsque celui-ci transpire : par capillarité, la sueur est évacuée le long du poil et s'évapore à l'extérieur de celui-ci.

Par ailleurs, tondre génère un traumatisme chez le cheval puisqu'il perd d'un coup énormément de chaleur interne, d'où l'intérêt de le couvrir rapidement pendant la tonte.
Mais couvrir peut également provoquer un certain désordre dans la thermorégulation. En effet, le cheval cherche à réchauffer les parties de son corps laissées à l'air libre (tête, encolure, ventre ou encore jambes). Cependant, il est incapable de sélectionner la partie du corps qu'il doit réchauffer : il augmente donc la température interne de tout son corps et peut ainsi transpirer sous une couverture. Inversement, il peut chercher à refroidir les parties couvertes en abaissant la température de tout son corps.

b) Quelles alternatives ?

Quelles alternatives se présentent alors aux propriétaires faisant le choix de ne pas tondre leur cheval pour limiter les problèmes liés à la transpiration ?

La première d'entre elles est de bien sécher son cheval si celui-ci a transpiré pendant le travail. Pour cela, il est nécessaire de bien faire marcher celui-ci en fin de séance pour l'aider à récupérer au mieux, puis d'utiliser une couverture séchante après le pansage. Cette couverture fonctionnant comme une éponge, elle absorbe la transpiration. Une fois trempée, elle ne présente plus d'intérêt, il est donc nécessaire de ne la laisser qu'un moment sur le dos du cheval et de la retirer une fois qu'elle est trop mouillée.

Autre option que prennent certains propriétaires : couvrir son cheval au début de l'automne pour que celui-ci fasse moins de poils (moins il aura froid, moins il en produira) et qu'ainsi il transpire moins pendant le travail. Mais cette alternative nécessite de laisser une couverture à sa monture pour l'hiver, ce qui présente quelques inconvénients, comme nous l'avons vu plus haut.

En conclusion :

Tout ce que j'ai pu écrire dans cet article est issu de mes différentes recherches. N'ayant pas mon propre cheval, je n'ai pas été confrontée au choix de la tonte. J'aurai tendance à dire que le jour où je serai propriétaire, j'opterai pour le plus de naturel possible. Cependant, il est indispensable de faire en fonction de notre animal, de ses besoins, en pensant avant tout à son confort (le notre passant après). Tondre peut être nécessaire pour des chevaux travaillant et transpirant beaucoup, mais il ne faut pas opter pour la tondeuse uniquement pour ne pas perdre du temps à sécher son cheval ou pour le côté esthétique.

Et pour votre cheval, cet hiver sera-t-il à poil ou aux poils ?


Pour aller plus loin :

- Thermorégulation chez le cheval : Natalija Aleksandrova développe ce phénomène, notamment les facteurs autres que les poils entrant en jeu, sur le site Haras Synergie.

- Les effets de la thermorégulation chez le cheval d'endurance : lire la thèse d'une étudiante en médecine vétérinaire (à partir de la page 28).

- Quelle couverture choisir ? La crinière blonde vous renseigne.

4 commentaires:

  1. Très intéressant cette reflexion !
    Le mien est tondu entièrement (enfin presque, pas le garrot,ni les membres) parce qu'il faisait bcp trop de poil (côté poneys qui ressort) et qu'il sue beaucoup... Donc pour éviter un coup de froid, il a bien fallu s'y résoudre. Mais comme toi, j'essaie d'être le plus naturel possible, et on a attendu que ce ne soit vraiment plus possible autrement ^^

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    1. Merci !
      En effet, si on ne peut pas faire autrement et que c'est pour le bien du cheval, ce n'est pas une mauvaise décision que de tondre ! ;)

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  2. Merci pour ce bel article. Je préfère ne pas tondre vu qu'il ne travaille pas beaucoup. Comme vous l'avez si bien démontré, le poil d’hiver est une protection naturelle contre le froid.

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